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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/91

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restera-t-il en Prusse avec la brigade de cavalerie ? Sans doute il va courir là-bas, lui aussi… ses reins lui font mal, à présent… mon dieu !… ah ! C’est trop de peine… c’est trop de peine… toujours trembler ! Toujours pleurer ! C’est mal de faire tuer tant d’hommes sains et braves pour la gloire d’un seul. Ah ! Ce Napoléon !… lui échapperas-tu, toi, du moins, mon petit… à ce monstre qui extermine les peuples ?… elle tendit le poing fermé vers l’horizon, puis entoura l’enfant de son bras. Il ne savait que répondre, enclin à jouer avec le ballon ; mais il jugea qu’il ne fallait point. Elle ne finissait pas de se lamenter : ― ton père était ma félicité, mon cœur et mon espoir. Te le rappelles-tu ? Sa taille dominait les autres. Sa force domptait tout. Son âme demeurait noble même dans les événements infimes. Omer démêlait, timide, les effilés rouges, verts et blancs du shawl, il comparait les vignettes de la bordure, ― un ovale blanc avec une palme jaune, un ovale rouge avec une palme blanche, ― et il cherchait quelles choses étranges représentaient les dessins de l’étoffe hindoue. La mère insistait : ― crois-moi, mon enfant, les hommes sont pervers. Ton bisaïeul assurait autrefois que la révolution changerait tout et tous, que les gens s’aimeraient et s’aideraient ensuite. Quelle rêverie ! Napoléon semble plus dur et plus méchant que les rois, et il fait périr bien plus de monde… sur terre il n’y a que la terreur et la mort ! La seule consolation, c’est d’espérer la vie du ciel, l’immortalité de nos âmes, que Dieu sauve ! Nous sommes ici-bas afin d’obtenir notre rédemption par la douleur. Puisqu’on ne peut aimer autrui, il faut adorer Jésus, mon enfant. Oh ! Prie donc, prie sans cesse avec moi ! Tu verras, plus tard : seul Jésus essuie les larmes et donne l’amour véritable, l’amour que ne finit pas la mort, que ne corrompt aucun des vices humains… Jésus