Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/102

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blessure, le baume de ma bonne humeur, afin que mon adversaire trouve une excuse d'être lâche, un prétexte de ne pas riposter.

Aussi je me mis à exalter la science de mon hôte, à rapporter les paroles élogieuses de la paysanne, en y applaudissant avec tous les bruits des adjectifs sonores. Je demandai a sa femme comment il avait sauvé la petite Anne—Marie; ce dont la fidèle épouse me fut reconnaissante, dans l’espoir d’aider, par son explication, au contrat de commandite. En même temps, je posai quelques jalons sur le chemin du vice ou je désirais que se promenât bientôt, en ma compagnie, la femme de chambre. Mes périodes les plus fleuries chantèrent sa figure, sa promptitude, l’intelligence de ses regards pour deviner ce qui manquait à chacun, puis sa dextérité afin d’y pourvoir. Le contraste entre la brutalité des phrases que je destinais aux convives et celles que je décernais à la servante l’enorgueillit. Elle se dit que, même devant le monde, je ne pouvais contenir l’exubérance de mes sentiments, tant ils étaient sincères.

Ensuite Gilberte reçut mes hommages. Je lui demandai trois de ses épreuves photographiques. Touchée de mes attentions, elle voulut bien articuler quelques sons. Plusieurs mots, une phrase même, furent substitués à ses monosyllabes des premiers moments. Elle alla jusqu’a me confier que le mieux réussi de ses clichés représentait sa mère, avec le docteur, en haut de la falaise, et toute la baie de Sauzon, toutes ses roches géantes, toutes ses anses, tous ses gouffres, jusqu’à la Pointe des Poulains… Je la félicitai, l’assurant que le plus difficile en photographie, est, a coup sûr, de tixer les delicatesses d’un paysage marin.