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Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/121

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LE SERPENT NOIR

maintes et maintes gens par son caractère oublieux, froid. Évidemment, ses émules s’évertueraient d’abord a critiquer le sérum Goulven, à le décrier partout avant l’heure de la publicité. Comment, des lors, en- gager dans une pareille affaire la Compagnie des Produits pharmaceutiques ?… Je surpris le malade qui se tâtait le cœur sous sa pèlerine d’ordonnance, et qui se mordait les lèvres ensuite.

Une pluie lourde nous cingla brusquement. La préoccupation de nous y soustraire et de hâter le pas n’évinça qu’à demi ces calculs sévères.

J’y songeais encore, lorsque nous nous assîmes autour du thé que Mme Goulven avait disposé dans le salon. Devant elle, le docteur fit bonne contenance. De sa chambre, il était redescendu peigné, réchauffé, quasi pimpant, pour lui baiser avec effusion les mains comme par jeu, a cause dune tarte imprévue. Cette effusion signifiait toute sa peine intérieure, tout le chagrin de craindre que sa femme ne restât bientôt sans appui, sans fortune. Ce geste décelait toute sa gratitude pour les soins qu’elle lui prodiguait simplement, comme les prières à leur dieu. Le rouge du plaisir et de la pudeur gagna le front de l’étroite personne, tandis que ses yeux riaient et s’ét0nnaient ai la fois. Elle ne devinait pas les raisons de cette caresse trop émue. Je la détournai d’une recherche qui aurait pu devenir une inquiétude, en réclamant mon jam- bon. Jamais je ne voyage sans mon jambon qu’on m’expédie de Cincinnati, directement. Anne-Marie le fut quérir.

Entre tous mes plaisirs, j’apprécie fort celui de voir arriver, devant ma faim, une superbe viande cuite a point sur un plat net. Je ne ressens pas de meilleure