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Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/34

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Je me demande aujourd’hui comment nous pouvions être jolies avec nos bandeaux plats, nos chignons dans le cou, avec des boucles qui en sortaient sans grâce, et nos affreux chapeaux à bavolets et à brides ?

Mon mari se plaisait à m’instruire des scandales journaliers de la vie parisienne. Je les connaissais tous, exagérés peut-être, et ils me terrifiaient. Aussi le moindre compliment, à certains jours, me paraissait-il offensant. Ces gens qui me les faisaient avaient, certes, l’esprit hanté par les histoires que je savais moi-même, et, à première vue, ils me croyaient sans doute de l’espèce des « cocodettes ». Élevée comme je l’avais été par ma grand’mère, par mes tantes, par ma mère, par des êtres farouches dès qu’il s’agissait d’une légèreté ou d’une susceptibilité d’honneur, je sentais la honte des mots aimables planer sur moi.

Nous n’avions qu’un goût commun, mon mari et moi, le théâtre ; j’y riais, j’y pleurais, je m’y enthousiasmais.

La plupart des émotions ressenties alors me sont restées.

C’est dans une représentation à bénéfice que je vis Frédérick Lemaître, dont mon père m’avait parlé comme du plus grand comédien du siècle. Il jouait un acte de Trente ans ou la vie d’un joueur. Le joueur entre, les traits crispés par la souffrance et par le vice, figure répulsive et navrante à la fois. Il est couvert de vête-