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Page:Adelswärd-Fersen - Le baiser de Narcisse, 1912.djvu/51

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LE BAISER DE NARCISSE


avait appris, ne craignant pas qu’elle divulgue le secret à cause de son innocente torpeur, on lui avait appris que, pour cette fête amoureuse et funèbre, où de temps immémorial le héros mourant revivait transfiguré sous les traits d’un éphèbe du temple, Milès incarnerait Adonis. Pourquoi donc ne se montrait-il pas ? Pourquoi, voluptueux et épuisé, n’avait-il pas gravi les marches du catafalque recouvert de pourpre où, parmi les fleurs et le laurier, il offrirait jusqu’au matin son corps léger en sacrifice ? Ils avaient convenu qu’elle l’aiderait alors à disparaître…

Cependant l’invocation continuait :

L’enfant penché sur l’eau pour boire au ruisseau frais,
Tremblant de se connaître, et languide, effleurait
D’un baiser pépiant sur sa bouche novice
Le miroir ingénu que la dryade offrait.
Ce baiser-là, c’est la douleur et le délice…

Chantons l’amour en rêve et pleurons-le tout bas !

Alors, soudain, un grand cri retentit dans le temple. Et la mendiante put voir les ombres affolées de la procession se précipitant vers l’intérieur du sanctuaire. Pâle, mortellement angoissée, la petite sentit comme un vertige. Mais après un moment elle se raidit, entendant des pas précipités. On eût dit quelqu’un qui fuyait… D’un saut elle se cachait derrière l’arbuste grêle… Milès ! Milès !

Il venait de passer, courant en effet, la figure éblouissante et convulsée. Sa chlamide aux franges d’or s’accrochait aux ronces…

Milès ! Milès !

Les bijoux se choquaient avec un bruit de grelots et

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