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Page:Adelswärd-Fersen - Messes noires ; Lord Lyllian, 1905.djvu/119

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MESSES NOIRES

travers les villes. Comme dans une résurrection atroce, comme si j’avais été halluciné, ils m’apparaissaient têtes différentes, masques changés… monstres pareils.

— Un peu d’eau sucrée ? quelle éloquence ! La haine, my lord, vous rend fougueux.

— La haine, oui, car je les hais, je les hais tous et vous comme les autres.

D’ailleurs vous êtes fixé par eux, n’est-ce pas ? Vous venez me voir, m’examiner ainsi qu’un acteur à scandale, ou comme un cas pathologique. C’est presque un cinquième acte. Je connais ma réputation actuelle, mon cher ; si j’y oppose, ne fut-ce qu’un sourire, c’est un sourire de mépris, et c’est un geste pour signifier : je m’en moque…

Regardez, mes bons messieurs : Lord Lyllian ! oui, vous savez bien, cet Anglais de 20 ans, vicieux comme un Héliogabale à conseil judiciaire. Lui, Héliogobale, allons donc ! çà le flatte… Vous voulez dire le frère émancipé de Messaline ou Messaline elle-même, style Loubet. Et des potins et des grimaces. Et des curiosités. Si bien que vous avez l’air de pitres se disputant un bon mot.

Vous flairez mes tares, mais vous évaluez ma jeunesse. Vous applaudissez à mes hontes, mais vous désirez mes yeux, comme si mes yeux étaient pour vous. Comme si ma jeunesse était la vôtre. Un acteur à scandale, un cas pathologique ?

Ces deux, en vérité. Indeed my boy. Scandale, scandale ? mais tous vous êtes passionnés de scandale !…

Or, écoutez-moi. Croyez-vous, mon bon garçon, que je suis né avec ces sentiments-là et que l’enfant solitaire, que le petit orphelin d’Écosse avait en lui cette nature par