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Page:Adrienne Durville, Carnet de guerre 1914-1918 n°1.pdf/49

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doit partir tout de suite pour Besançon où on l’équipera et l’instruira un peu avant de l’envoyer au feu. Nous lui bourrons ses poches de provisions, je lui glisse une petite pièce dans la main et nous lui disons adieu. S’il n’est pas tué pendant la guerre, Melle Roch a promis de ne pas le perdre de vue.

Lecture de l’Alsace : un bel article de Lavisse parlant de sacrifice. Nous en avons tous notre part, Mme des L. tremble pour son mari, moi pour Paul, car je sais Louis en sûreté pour l’instant. Ils doivent être en plein dans la bataille de Nancy ; sont-ils seulement encore vivants. C’est la pensée qui ne nous quitte pas ; nous vivons une vie d’émotions intenses, nos angoisses patriotiques, nos inquiétudes personnelles, l’âme et le corps de nos soldats auxquels nous devons songer sans cesse, comme tout cela diffère des petitesses de la vie habituelle.

Au point de vue religieux, Mme des L. est épatante ; sans jamais avoir l’air d’y toucher, elle sait dire le mot qu’il faut ou se taire à propos ; comme je sens que je ne saurais pas si bien, je la laisse faire, me contentant de prier pour la soutenir. Cela va maintenant être le tour d’Amat !

On a de nouveau rempli l’ambulance des Anges ; hier on disait le contraire ; je n’ai jamais vu d’ordres aussi contradictoires ; l’administration militaire me paraît au dessous de tout.