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Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/218

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5°. Aucune application de lois pénales.

L’arrêté de déportation ressemble si peu à un arrêt de justice, qu’il n’a même pas été lu ni notifié aux déportés ; ils savent qu’ils sont déportés. Voilà tout.

Le réglement administratif sur lequel paraît fondé l’arrêté de déportation résiste lui-même à l’idée d’un jugement prononcé.

Il n’attribue au gouverneur et à son conseil spécial aucune des fonctions de justice séparées de l’administration civile et militaire par les lois antérieures[1], séparation renouvelée par l’ordonnance royale du 22 novembre 1819 sur l’administration de la justice confiée aux Cours royales remplaçant les anciens conseils souverains.

Il qualifie de délibération (art. 8) et non de jugement l’arrêté de déportation.

Il permet au gouverneur président du conseil spécial de faire prévaloir son avis en cas d’opposition, et par conséquent de décider seul la déportation : ce qui est contre la nature des compagnies judiciaires délibérantes, où non-seulement l’avis de la majorité prévaut, mais où, en cas de partage en matière criminelle, l’avis le plus favorable à l’accusé l’emporte.

Il ne prescrit aucune instruction, aucune audition de témoins, aucune confrontation, aucun recollement, aucun interrogatoire, aucune défense ; l’absence de toutes formes ne permet pas de croire à la plus légère apparence d’un jugement de condamnation dans un tel acte.

Il ne spécifie aucun des cas où la déportation pourra être méritée. On ne sait ce qu’il faut faire ni ce qu’il faut éviter pour échapper à la déportation qui peut, à chaque instant, être délibérée par le conseil colonial et prononcée, contre son avis même, par le gouverneur tout seul.

  1. Voyez la première solution ci-dessus.