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Page:Agassiz - Études sur les glaciers, 1840.djvu/162

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nos jours encore, beaucoup de personnes la défendent, non pas qu’elles aient fait des observations à ce sujet, mais parce que l’on a en quelque sorte contracté l’habitude d’adopter sans examen toutes les explications et les hypothèses concernant les glaciers, qui sont contenues dans les Voyages dans les Alpes.

Il s’en faut de beaucoup que les faits que de Saussure cite comme preuve que les glaciers glissent sur leur fond, soient aussi concluans qu’ils le paraissent ; et d’abord le fait si souvent répété de ce bloc de granit poussé en avant par les glaces[1] ne prouve autre chose qu’un mouvement du glacier, mais n’explique

  1. « Au mois de juillet 1761, je passais avec mon guide (Pierre Simon) sous un glacier très-élevé, qui est au couchant de celui des Pèlerins ; j’observais un bloc de granit, de forme à-peu-près cubique, et de plus de 40 pieds en tout sens, assis sur des débris au pied du glacier, et déposé dans cet endroit par ce même glacier : hâtons-nous, me dit Pierre Simon, parce que les glaces qui s’appuient contre ce rocher, pourraient bien le pousser et le faire rouler sur nous. À peine l’avions-nous dépassé, qu’il commença à s’ébranler ; il glissa d’abord assez lentement sur les débris qui lui servaient de base ; puis il s’abattit sur sa face antérieure, puis sur une autre ; peu à peu il se mit à rouler, et la pente devenant plus rapide, il commença à faire des bonds, d’abord petits et bientôt immenses : on voyait à chaque bond jaillir des éclats et du bloc même et des rochers sur lesquels il tombait ; ces éclats roulaient après lui sur la pente de la montagne ; et il se forma ainsi un torrent de rochers grands et petits, qui allèrent fracasser la tête d’une forêt dans laquelle ils s’arrêtèrent après avoir fait en peu de momens un chemin de près d’une demi-lieue, avec un bruit et un ravage étonnans. » ― De Saussure, Voyages dans les Alpes. Tom. I, p. 384 et 538.