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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

poussé à bout de M. Guizot. Après avoir annoncé dans un solennel exorde qu’il va faire connaître à la Chambre la pensée tout entière du gouvernement, le président du conseil développe, non sans habileté, son thème habituel : que décréter immédiatement la réforme parlementaire, c’était rendre indispensable la dissolution de la Chambre, acte imprudent au suprême degré dans les circonstances présentes. Prendre un engagement pour l’avenir serait plus imprudent encore, car ce serait détruire moralement ce qui existait sans le remplacer. M. Guizot établit ensuite qu’un gouvernement doit accomplir les réformes lorsqu’elles sont devenues nécessaires, mais qu’il ne les doit jamais annoncer à l’avance. Le cabinet, ajoute-t-il, tient compte de la disposition des esprits ; il examinera à fond, avant la fin de la législature, ce qu’il y a à faire pour maintenir l’unité et la force du parti conservateur, règle de conduite invariable, idée fixe du ministère. Il fera ses efforts pour maintenir l’accord entre les diverses nuances ; mais, si la transaction nécessaire à cet effet paraissait impossible, il laisserait à d’autres le soin de présider à la désorganisation du parti conservateur et à la ruine de sa politique.

Ce discours captieux, cette demi-promesse enveloppée de menaces, a pour résultat le rejet de l’amendement de M. Sallandrouze à la majorité de 232 voix contre 189. Puis on vote sur l’ensemble de l’adresse. L’opposition s’abstient ; 3 voix seulement protestent contre 241.

Désormais, le combat en dehors des pouvoirs légaux devient inévitable. Il paraît imminent. Il ne s’agit plus d’établir de quel côté se trouve le droit, mais de constater de quel côté sera la force.