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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

bable que les Tuileries seront attaquées. La vie du roi est en danger. »

À ces mots, entendus à demi, la reine se précipite vers le roi et se serre contre lui comme pour le défendre. Les princes et les princesses quittent brusquement la table.

« M. de Rémusat pense que les Tuileries vont être attaquées, » dit le roi avec une apparente indifférence. Sur ces entrefaites, plusieurs personnes attachées à la famille royale entraient pêle-mêle et sans être annoncées. MM. Thiers, de Broglie, Piscatory, de Lasteyrie, Quinette, Baroche, Cousin, Gustave de Beaumont, Lacrosse, venaient confirmer, par leur témoignage, les paroles de M. de Rémusat.

M. de Laubespin, capitaine d’état-major, apporte une nouvelle plus précise encore et plus désastreuse : la colonne du général Bedeau a mis la crosse en l’air. Les insurgés ont pillé les caissons et se sont emparés de deux pièces de canon ; les Tuileries sont complètement à découvert du côté de la place de la Concorde. Le duc d’Elchingen et M. Jules de Lasteyrie sortent pour s’assurer par eux-mêmes de l’état des choses. Le roi et les ministres entrent en délibération pour savoir s’il faut attendre aux Tuileries l’assaut des masses populaires ou se retirer dans quelque place forte. M. Thiers conseille d’aller à Saint-Cloud, d’y rassembler les troupes, et de faire, de là, un retour offensif sur Paris[1]. Louis-Philippe pense qu’il vaudrait mieux se retirer à Vincennes. Tandis qu’on délibère, un aide de camp du général Bedeau apporte des renseignements plus exacts sur les faits qui se sont passés à la place de la Concorde. Le peuple s’est retiré, et les troupes occupent, dans un ordre parfait, la place et toutes ses avenues. On se rassure ; on décide que le roi va passer la revue des troupes.

Pendant qu’il revêt son uniforme d’officier général de la garde nationale et le cordon de la Légion d’honneur, avec l’impassibilité d’un homme qui, se conformant à l’avis de

  1. Le maréchal Bugeaud approuvait le projet de M. Thiers.