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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

fraternité confiante[1]. Cette foule inoffensive se répandit bientôt dans les appartements royaux. À ce moment, M. de Girardin, qui revenait de la place du Palais-Royal et qui ignorait les derniers événements, entrait aux Tuileries. Poussé dans le château par le flot populaire, reconnu et interrogé par des insurgés qui ne savaient pas plus que lui ce qu’était, devenue la famille royale, il leur annonce l’abdication de Louis-Philippe, et la régence de la duchesse d’Orléans. Cette nouvelle est favorablement accueillie ; elle paraît même surpasser l’attente de ceux à qui il la communique. « Est-ce bien vrai ? disent-ils, est-ce signé ? » M. de Girardin, pour donner plus de crédit à ses paroles, s’assied à une table, et, pendant une heure environ, il écrit et signe près de cinq cents bulletins ainsi conçus :

« Abdication du roi ;
« Régence de la duchesse d’Orléans ;
« Dissolution de la Chambre ;
« Amnistie générale.

« Émile de Girardin. »

Cependant, au milieu de la foule qui se heurte et se pousse tumultueusement en avant, M. de Girardin aperçoit M. Dumoulin, portant un drapeau tricolore, haranguant à droite et à gauche du geste et de la voix. Il a rallié autour de lui une bande de deux cents hommes environ qu’il va conduire à la Chambre. M. de Girardin se joint à lui, pensant que la présence de cette bande populaire peut favoriser la proclamation de la régence. On se met en marche, on sort par le guichet du pavillon Marsan, on suit la rue de Rivoli. La troupe, qui stationne sur la place de la Concorde, ne fait aucune difficulté pour laisser passer cette petite colonne qui n’est point armée. Arrivé à la grille du palais

  1. « Ils vont aux Tuileries, disait un ouvrier à un garde national qui, apercevant de loin cette bande armée, s’inquiétait de lui voir prendre la direction du château ; mais ce n’est pas pour faire du mal : c’est histoire de se promener. »