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HISTOIRE

par M. Bocage, célèbre comédien, et par le libraire Hetzel, tous deux engagés dans le parti radical, qu’on préparait une invasion des Tuileries et de la Chambre, et que l’on songeait à établir un gouvernement provisoire dont, selon toute vraisemblance, il serait appelé à faire partie. La démoralisation de la troupe rendait certain aux yeux de M. de Lamartine le succès de cette tentative ; il promit son concours, et bientôt une troupe d’insurgés, que M. Bocage informa de ses dispositions favorables, vint sous ses fenêtres lui faire une espèce d’ovation anticipée. En allant à pied au palais Bourbon, il rencontra, sur sa route, le triomphe ridicule de M. Odilon Barrot, et s’affermit dans ses secrètes pensées.

Arrivé sous le vestibule, il fut entouré par un petit groupe de républicains, parmi lesquels il reconnut MM. Marrast, Bastide, Hetzel, Bocage. On l’emmena dans un bureau pour lui exposer la situation. On délibéra quelques instants dans l’hypothèse de la régence ou de la république, et l’on finit par convenir que le meilleur moyen de trancher les difficultés et d’écarter les périls de la crise où l’on était engagé, c’était de faire proclamer à la Chambre un gouvernement provisoire. M. de Lamartine assura de nouveau que l’on pouvait compter sur lui ; puis il entra dans la salle des séances, et se confirma dans son dessein en voyant la contenance abattue et le trouble profond des partisans de la dynastie.

Enfin, le moment venu de monter à la tribune, M. de Lamartine parla ainsi : « Messieurs, je partage aussi profondément que qui que ce soit parmi vous le double sentiment qui a agité tout à l’heure cette enceinte, en voyant un des spectacles les plus touchants que puissent présenter les annales humaines, celui d’une princesse auguste se défendant avec son fils innocent, et venant se jeter du milieu d’un palais désert au milieu de la représentation du peuple. »

Ces paroles soulèvent une tempête. « On n’a pas en-