Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
HISTOIRE

gouverneur de l’Algérie. Pour sortir d’embarras, M. Arago proposa un membre de l’Institut, le colonel Poncelet, professeur de mécanique à la Sorbonne ; mais cette proposition ne fut point agréée. On objecta avec raison que M. Poncelet, à cause de son grade, ne pourrait prendre aucune autorité sur les officiers supérieurs, et l’on songea au général Lamoricière, qu’à tout hasard on se décida à faire appeler. Bien que fort souffrant de sa blessure et le bras en écharpe, le général ne se fait point attendre. Il n’hésite pas à reconnaître le gouvernement provisoire ; mais il refuse le portefeuille, alléguant que, depuis dix-sept ans absent de France, il ne connaît pas suffisamment le personnel de l’armée. « Mon poste, à moi, ajoute le général, est à la frontière. Elle aura bientôt, sans doute, besoin d’être défendue. Je ne demande que quelques jours de repos, et je me tiens prêt à me rendre où le gouvernement provisoire jugera convenable de m’envoyer. »

M. de Lamoricière conseille de donner le portefeuille de la guerre au général Bedeau. « C’est un homme supérieur, dit-il ; il connaît parfaitement l’armée ; on peut compter sur lui ; il rendra dans ce poste éminent de grands services. » La nomination du général est immédiatement signée ; mais M. Bedeau, appelé au sein du conseil, refuse à son tour. « Je suis trop récemment nommé lieutenant général pour avoir de l’autorité sur des officiers plus anciens que moi, dit-il ; ma nomination ferait un effet fâcheux. Donnez-moi le commandement de la première division. La troupe est humiliée, démoralisée il faut l’empêcher de se débander. Confiez-moi cette tâche, et je réponds de la remplir avec honneur. »

Sur ces refus, M. de Lamartine propose le général de division Subervie, volontaire de 1792, distingué par des actions d’éclat dans les grandes campagnes de l’Empire, député de l’opposition, qui sera tout à la fois, on peut l’espérer, respecté de l’armée et bien vu du peuple. Pendant ces délibérations, on apprend que le ministère de la guerre est