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INTRODUCTION.

rité conservatrice[1] plus étroitement unie, il faut le dire à la honte du cœur humain, par l’intérêt et la peur, que ne le sont souvent les hommes de bien par les traditions communes et par l’amour de la patrie. Sous la présidence d’un homme dont le seul principe politique était de n’en avoir point, on voyait au Luxembourg la représentation solennelle de toutes les passions serviles et de toutes les palinodies. Abritant sous les mots vénérés de religion, famille, ordre et morale, les cupidités les moins respectables, sans élan, sans fierté, sans honneur politique, la Chambre des pairs demeurait imperturbable dans son inertie ; et s’il arrivait qu’une parole généreuse, isolée, s’égarât dans cette enceinte, elle n’obtenait des mieux disposés qu’un sourire de compassion.

Au Palais-Bourbon, le pouvoir rencontrait bien une opposition, mais c’était une opposition sans caractère. M. Thiers, lorsqu’il passait du banc des ministres à son banc du centre gauche, et même M. Odilon Barrot, le chef de l’opposition appelée dynastique, ne se montraient guère soucieux d’autre chose que d’un succès de tribune. Ni l’un ni l’autre, absorbés qu’ils étaient dans le jeu compliqué de la tactique parlementaire, n’avaient pris le temps d’étudier la transformation qui s’opérait, depuis 1830, au sein des masses. Ils songeaient à peine au peuple, ou du moins, s’ils y songeaient, c’é-

  1. Jamais expression ne fut plus détournée de son acception vraie. Le parti conservateur ne conservait rien que des apparences. Les dogmes, il ne s’en souciait point ; les traditions, il les avait oubliées ; la hiérarchie, il ne savait plus où la prendre. Il ne défendait que le fait accompli, et ce n’est certes pas là un principe en vertu duquel une société puisse être conservée.