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HISTOIRE

sion, un projet de décret dont le premier article était ainsi conçu :

« L’esclavage sera entièrement aboli dans les colonies et possessions de la France six semaines après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. Tous les affranchis deviennent citoyens français. »

La commission poussa ses travaux avec zèle. Le 11 avril, elle avait achevé sa tâche et remettait à M. Arago un ensemble de décrets qui abolissaient immédiatement l’esclavage, en renvoyant à l’Assemblée nationale le soin de fixer l’indemnité demandée par les colons, étendaient aux colonies le droit de représentation à l’Assemblée nationale, supprimaient les conseils coloniaux, confiaient leurs pouvoirs aux commissaires de la République, organisaient l’instruction publique, gratuite et obligatoire, instituaient la liberté de la presse, le jury, les ateliers nationaux, etc. Ces décrets, malgré les représentations et les sollicitations des colons, auxquels M. Marrast prêta son appui dans le gouvernement, furent signés en conseil et insérés au Moniteur du 27 avril. La politique généreuse l’emporta cette fois sur la politique circonspecte, l’esprit novateur fit taire la prudence conservatrice[1]. Il serait difficile d’en bien établir la raison. La circonstance déterminait souvent comme au, hasard l’adoption de l’une ou de l’autre de ces politiques. Il n’était pas rare que le même ministre se trouvât solidaire des mesures les plus contradictoires ; qu’il eût à faire passer dans les faits les inspirations les plus hardies de la Révolution et à rétablir des systèmes et des routines incompatibles avec le génie des institutions démocratiques. Plus nous avancerons dans le récit des événements, plus nous devien-

  1. On est heureux aujourd’hui (1862) de pouvoir constater que la politique généreuse n’apas eu les résultats funestes que prédisait la politique circonspecte, loin de là. Dans son livre de l’Abolition de l’esclavage, M. Cochin reconnait que depuis l’émancipation la population a augmenté dans nos colonies ; que le nombre dés mariages y est beaucoup plus considérable ; que, si l’étendue des cultures a diminué, la production s’est accrue ; que les écoles se multiplient, etc.