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INTRODUCTION.

aux plus hauts intérêts de la civilisation générale. Hostiles par principe à toute intervention de l’État dans les transactions commerciales et dans la législation industrielle, tout en l’admettant par nécessité dans certains cas, ils ne proposaient aucun moyen efficace de remédier aux dangers d’une liberté illimitée, et semblaient ne pas croire qu’on peut constituer une action sociale, indépendante du pouvoir politique, exercée par tous au profit de tous, corrigeant la liberté par la solidarité, la rivalité par l’association, et l’abus du droit par une justice supérieure[1].

L’aveuglement était partout. Science aride, ignorances dédaigneuses, sagesses rétrogrades, railleries provoquantes, voilà ce qui faisait grand bruit de paroles à la surface du pays, dans les sphères du pouvoir, dans les salons, à la Bourse, au Parquet, à la table des riches. Transportons-nous ailleurs ; laissons pour un moment au tourbillon de ses plaisirs et de ses affaires cette France à l’entendement épaissi, aux entrailles muettes. Il n’y a là que le mensonge de la vie. C’est dans d’autres régions que nous sentirons la vie véritable, la passion sous toutes ses formes, l’amour et la haine, le sentiment du droit et l’instinct de la vengeance, les convoitises sauvages et les nobles

  1. On peut se former une idée de l’esprit qui anime cette école par une parole échappée à M. Blanqui à propos des misères du peuple : On en parlait bien moins alors qu’il en existait davantage, dit-il dans son Rapport à l’Académie sur la situation des classes ouvrières pendant l’année 1848 ; méconnaissant ainsi le progrès même du sentiment humain qui veut guérir les maux et non plus les supporter, accusant implicitement la liberté de la parole qui porte à la connaissance de tous les plaintes jusque-là étouffées dans le silence.