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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

la mémoire de son frère qu’à ses mérites personnels. Cependant une estime sérieuse s’attachait à sa personne. Tout en lui, caractère, esprit, langage, dans un accord devenu bien rare, portait l’empreinte d’une nature élevée. Son patriotisme était courageux et désintéressé. La pratique des affaires commerciales et de studieux travaux l’avaient rendu familier avec tous les systèmes financiers et il apportait au gouvernement, à l’appui d’une volonté droite, des connaissances positives qui eussent été d’un grand secours, si des scrupules méticuleux ne l’avaient retenu d’une manière trop absolue dans les voies pratiquées et dans les vieilles routines. M. Garnier-Pagès amenait avec lui au ministère des finances, pour y remplir les fonctions de sous-secrétaire d’État, un jeune homme qui avait été son secrétaire particulier. M. Eugène Duclerc, longtemps collaborateur de M. Pagnerre au Dictionnaire politique, puis attaché à la rédaction du National, y avait traité, non sans talent, la question du rachat des chemins de fer et les questions d’impôt dans leurs rapports avec le principe de l’égalité. M. Duclerc partageait toutes les idées financières de son ancien maître ; sa confiance dans ses propres forces était également à peu près illimitée.

Il en fallait beaucoup pour ne pas se laisser abattre en des conjonctures aussi difficiles. L’entrée de M. Garnier-Pagès coïncidait avec les symptômes les plus inquiétants. En neuf jours, du 25 février au 5 mars, l’encaisse du Trésor avait diminué de 27 millions. Le 6 mars, l’une des maisons de banque les plus accréditées de Paris, la maison Gouin, suspendait ses payements. Les maisons Ganneron et Baudon réclamaient des secours du gouvernement et déclaraient que sans ces secours elles ne pouvaient plus faire honneur à leur signature. La consternation était générale, la panique s’emparait des plus fermes esprits.

Le 9, une réunion des hommes les plus considérables de la banque, de l’industrie et du commerce fut convoquée à la Bourse. On s’y exalta mutuellement en constatant les