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HISTOIRE

Sa simplicité et sa modestie répugnaient à toute distinction. Barbès était, entre les démocrates, l’un des plus sincèrement pénétrés du sentiment de l’égalité et le plus conséquent avec ses principes dans les habitudes de la vie. Son club, moins exclusif que d’autres, assidûment fréquenté par un auditoire sérieux, réunit un grand nombre d’hommes influents sur le peuple. MM. Pierre Leroux, Bac, Ribeyrolles, Martin-Bernard, Proudhon, Lamieussens, Greppo s’y rendaient chaque soir. On y traitait avec beaucoup d’animation les questions politiques et sociales. Le communisme y eut des orateurs passionnés ; mais pendant très-longtemps on écarta toutes les propositions hostiles au gouvernement provisoire, et les discussions les plus vives se terminaient toujours par des paroles de conciliation, par des conseils de prudence.

Le club des Amis du peuple, ouvert par M. Raspail au Marais et qui rassemblait chaque soir environ six mille personnes, n’avait pas, dans l’origine, un caractère plus agressif que celui de M. Barbès. M. Raspail y parlait à peu près seul et ramenait le plus possible les délibérations à l’examen des questions de doctrine. Bien qu’il fût d’une nature soupçonneuse à l’excès et que le langage du gouvernement provisoire lui inspirât peu de confiance[1], M. Raspail était un esprit capable de politique, et il comprenait mieux que personne la nécessité d’accoutumer peu à peu, par un gouvernement sans violence, les classes bourgeoises à la République. Il pensait aussi que le nom et la personne de M. de Lamartine devaient rallier tous les partis et qu’aucun chef populaire, pas plus lui-même que Barbès ou Blanqui, Louis Blanc, Pierre Leroux ou Cabet, ne pouvait sérieusement prétendre imposer à la nation

  1. En passant, le 26 février, devant une affiche du gouvernement ou le mot citoyen avait fait place à une M majuscule, M. Raspail signala à l’un de ses amis cette substitution qu’il considérait comme un premier acte significatif de réaction contre l’égalité démocratique.