Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
HISTOIRE

dicaux du gouvernement, M. Ledru-Rollin et Louis Blanc, le jugeaient dangereux. M. Caussidière, qu’il alla trouver le jour de son installation pour avoir communication des registres de la police et connaître ainsi les noms de ceux qui avaient trahi dans les sociétés secrètes, se refusa obstinément à cette confidence[1]. Peu de jours après, le journal de M. Raspail, l’Ami du peuple, fut enlevé des mains des crieurs et déchiré par une troupe d’étudiants à qui l’on avait su le rendre suspect. Le bruit se répandit, on ne sait trop comment, que Raspail prêchait, comme l’avait fait Marat, l’extermination des riches[2]. Alors, profondément blessé, jugeant la République perdue puisque le plus convaincu des républicains était persécuté et calomnié, il s’enfonça plus avant dans sa retraite, ne garda plus de ménagement et se mit à dénoncer au peuple les actes du gouvernement provisoire, inspirés, disait-il, par l’esprit de réaction et funestes à la cause démocratique.

Un homme d’une valeur scientifique bien moindre que M. Raspail, mais infiniment plus propre au gouvernement du vulgaire, préparé de longue main à jouer un rôle dans la révolution, M. Cabet, ouvrit dans une salle publique de la rue Saint-Honoré, pour ses adeptes, au nombre de 6 à 8,000, un club qu’il conduisit avec une autorité et une habileté remarquables. M. Cabet tenait par sa naissance au

  1. Jusque vers le milieu du mois de mai, M. Raspail ne cessa d’insister dans son journal l’Ami du peuple, sur la publicité des dossiers et du livre rouge de la police.
  2. On trouve dans le no 3 de l’Ami du peuple, 12 mars, le passage suivant qui montre suffisamment combien ces assertions étaient calomnieuses : « La terreur de 93, aujourd’hui, en 1848 elle n’a plus de sens ; elle ne serait plus qu’une atroce folie, un drame à la Néron, un incendie de Rome, pour traduire en action l’incendie de Troie. La terreur contre qui ? Contre nous-mêmes donc, puisque nous pensons tous de même.

    « Depuis quinze jours je vois des Français partout et des ennemis nulle part. Au milieu de ce peuple de frères, promenez donc la guillotine, si vous l’osez on vous conduira vous et elle à Bicêtre, le dernier jour du carnaval. »