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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

des fatigues du voyage ; pour se montrer aussi désagréable que possible à un gouvernement qui ne l’employait pas selon son gré, il s’était répandu en éloges des princes de la maison d’Orléans et avait exprimé avec affectation ses regrets de la monarchie.

Le général Changarnier était possédé d’ambitions d’autant plus impatientes qu’elles avaient été longtemps comprimées. Né à Autun, d’une famille obscure, il avait pris jeune du service ; mais, sans protection, sans occasion de se signaler, il était resté pendant toute la Restauration dans les grades inférieurs. En 1836, il n’était encore que chef de bataillon, lorsqu’à la retraite de Constantine, comme il commandait l’extrême arrière-garde, il protégea l’armée par une manœuvre aussi hardie que savante et mérita dans le rapport du maréchal Clauzel, cette phrase devenue célèbre et qui donna en quelque sorte l’essor à sa fortune : « Le commandant Changarnier s’est couvert de gloire. » À partir de cette heure, il eut un avancement rapide et marqué par des actions d’éclat.

Lieutenant général en 1844, il fut obligé de quitter l’Algérie parce que son caractère hautain et provocant ne pouvait se plier à l’autorité absolue du maréchal Bugeaud ; il n’y retourna qu’en 1847, pour fortifier de sa présence et de ses conseils l’autorité du duc d’Aumale. Nous avons vu comment il remit le commandement au général Cavaignac. Pendant qu’il faisait route pour aller le remplacer, celui-ci adressait au gouvernement provisoire un refus formel d’accepter le ministère de la guerre[1], de sorte que le général Changarnier, à peine débarqué en Afrique, reprit

  1. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 9. La lettre du général Cavaignac avait fortement indisposé le conseil, qui lui répondit par une lettre d’un ton très-sévère. On y lisait, entre autres, la phrase suivante rédigée par M. Louis Blanc : « Le moment, est proche où le pays aura besoin de tous ses généraux ; restez en Afrique, général, le gouvernement vous l’ordonne. » M. Marrast, qui avait ajouté en marge des expressions fort dures, se réconcilia dans la suite