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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tine[1] ; tout en rêvant le renversement de la majorité, en souhaitant de se débarrasser de MM. Garnier-Pagès, Marie, Marrast, il craignait de travailler pour M. Blanqui et n’était pas trop sûr de pouvoir s’entendre avec M. Louis Blanc, dont le socialisme ne lui convenait guère. Quelques-uns de ses amis, les plus clairvoyants, commençaient à craindre pour lui qu’il ne restât pas vainqueur de la double et triple conjuration dans laquelle ils l’avaient si légèrement engagé, et, s’efforçant un peu tard de le retenir, ils agissaient sur son esprit dans le même sens que M. de Lamartine. M. Carteret combattait l’influence de M. Caussidière ; MM. Jules Favre et Landrin le rendaient attentif aux menées de M. Blanqui ; M. Flocon le fortifiait dans la volonté de ne point se séparer de ses collègues. L’indécision naturelle de M. Ledru-Rollin leur venait en aide. À la veille même du jour de l’exécution, lorsque l’un des conjurés apporta au futur dictateur la liste de ses nouveaux collègues dans le comité de salut public, il entra dans une violente colère, déclara avec emportement qu’il ne consentirait jamais à aucune combinaison avec M. Blanqui, et, malgré les instances, de MM. Caussidière et Sobrier, il refusa obstinément de recevoir Flotte.

Les choses ainsi brouillées et tous les fils de la conspiration à la fois mêlés et détendus de la manière que nous venons de voir, le jour parut sans qu’il fût possible aux hommes les mieux informés et le plus avant dans le complot de prévoir ce qu’il apporterait.

Dix heures avaient sonné. Déjà les corporations du Luxembourg se rendent au champ de Mars, bannières déployées. Les mots Organisation du travail, Abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme, inscrits sur ces bannières, montrent que ostensiblement du moins, les corporations suivent

  1. « M. de Lamartine n’entend rien à la politique, ne s’en mêlera pas, laissera faire, » disait M. Ledru-Rollin en expliquant à ses amis sa résolution de garder, dans le gouvernement, son collègue des affaires étrangères.