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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

était secret. Nul ne pouvait être nommé représentant du peuple s’il n’avait réuni au moins deux mille suffrages. Enfin, chaque représentant recevait une indemnité de 25 fr. par jour, pendant toute la durée de la session.

Le premier effet de la promulgation de cette loi fut, sinon une satisfaction, du moins une sorte d’apaisement d’esprit à peu près général. Les dispositions principales, rédigées, d’après les avis de MM. Cormenin et Isambert, par M. Marrast, auquel revient plus particulièrement l’idée du scrutin de liste, annonçaient l’intention bien réfléchie de soustraire la population des campagnes aux influences qu’on appelait de clocher, c’est-à-dire à l’ascendant du curé et du gros propriétaire, et aussi d’ouvrir l’accès de l’Assemblée nationale au prolétariat[1]. En n’excluant pas les soldats du vote, en y appelant les domestiques, la loi de 1848 se montrait plus confiante dans le principe égalitaire qu’on n’avait encore osé l’être jusque-là. Enfin cette loi, défectueuse sans doute, mais la meilleure, selon toute apparence, que put encore supporter la nation, obtint dans le premier moment l’approbation de tous les hommes sincèrement désireux de voir se fonder en France, le gouvernement démocratique. Le suffrage universel était la seule base acceptable pour l’honneur des partis et qui leur permît à tous ce qu’ils souhaitaient sans oser le dire : une défection avouable, l’abandon, sans indignité, de principes auxquels ils avaient cessé de croire.

Le suffrage universel, c’était le gouvernement de la société remis à la société elle-même. Si donc, pour aucun parti, il n’en devait sortir l’accomplissement parfait de ses vœux, tous pouvaient se tenir assurés qu’ils seraient représentés à l’Assemblée nationale dans une proportion plus ou moins favorable, mais suffisante pour qu’aucune des opinions du pays ne demeurât étouffée.

  1. L’indemnité de 25 francs par jour, si inconsidérément attaquée par la presse démocratique, n’avait pas d’autre but.