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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

On rejeta tout d’abord les candidats proposés par le compagnonnage, dont les vieilles prétentions à la suprématie n’étaient pas oubliées, et que l’on croyait influencé par le parti clérical. On fit exception, par des considérations personnelles, pour trois d’entre eux, dont était M. Agricol Perdiguier, maître menuisier, homme de mœurs pures et d’un caractère droit, auteur de plusieurs ouvrages populaires écrits dans un excellent esprit de conciliation. Tous les autres noms d’ouvriers inscrits sur la liste du Luxembourg appartenaient à l’opinion communiste[1].

On a peine à comprendre comment des hommes aussi intelligents que les délégués du Luxembourg purent nourrir un seul instant l’espérance de faire réussir une liste aussi exclusive. Une idée fausse, malheureusement encouragée par M. Louis Blanc, les égara. Ils se persuadèrent que la révolution devait amener la domination absolue du prolétariat, et, comme ils n’avaient aucun esprit politique, au lieu de dissimuler soigneusement une prétention blessante pour la masse de la nation, ils se hâtèrent de la faire sentir. Aussi arriva-t-il que, sur une liste si mal combinée, il ne passa que les quatre noms du gouvernement provisoire, acceptés par le comité central, M. Caussidière, pour lequel la bourgeoisie parisienne gardait encore quelques souvenirs reconnaissants, et M. Agricol Perdiguier, dont les opinions anti communistes étaient notoires[2].

  1. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 11. La liste des candidats du Luxembourg fut arrêtée, après trois séances consécutives, dans l’assemblée qui se constitua le 17 avril.
  2. Deux incidents de ce mouvement électoral méritent particulièrement d’être rapportés.

    M. Blanqui proposa lui-même à son club la candidature de M. Auguste Comte, disciple de Saint-Simon, fondateur de la philosophie positive ; comme ce nom, commun à un physicien célèbre, fut accueilli par un éclat de rire, M. Blanqui entra en colère, gourmanda son auditoire et lui fit honte de sa profonde ignorance.

    Béranger déclina la candidature par une lettre ironique adressée aux électeurs du département de la Seine :

    « Il est donc bien vrai que vous voulez faire de moi un législateur,