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HISTOIRE

plus bornées. Sans adopter ni rejeter les doctrines des communistes, le prolétaire, voyant en eux les défenseurs les plus intrépides de sa cause, les laissa dire et faire. La bourgeoisie peu disposée, au plus fort de l’orage, à examiner de sang-froid des théories, à distinguer le juste de l’injuste, le vrai du faux, dans un mouvement révolutionnaire qui détruisait sa sécurité et menaçait son règne, confondit, dans une même réprobation, le socialisme et le communisme ; elle engagea la lutte, une lutte sans issue, à outrance, où ses victoires mêmes ne servent qu’à lui montrer plus manifestement les forces indestructibles qu’elle voudrait anéantir.

Le gouvernement provisoire, où le socialisme avait pénétré, essaya bien de le séparer du communisme et de lui faire sa place par les conférences du Luxembourg, par quelques mesures financières, par quelques projets de loi sur l’instruction publique, et marqua à cet égard des intentions sérieuses. Mais les exigences extrêmes d’un côté, les frayeurs outrées de l’autre, les heures et les jours emportés dans un tourbillon d’une rapidité inouïe, l’imprévu de tous les instants, la perplexité des meilleurs esprits, l’hésitation des consciences les plus fermes, paralysèrent sa bonne volonté. Après deux mois d’angoisses sans égales, il résigna le pouvoir comme il l’avait pris, avec la simplicité d’un patriotisme sincère. Mais il laissa toutes choses indécises et la nation en proie au plus grand trouble moral où peut-être on l’ait jamais vue. Qui ne l’absoudrait cependant ; qui oserait se montrer plus sévère envers lui que ne le fut l’Assemblée nationale, en constatant qu’après trois années de luttes et de péripéties les plus extraordinaires, la situation reste au fond pareille, si ce n’est empirée ?

Communisme ou terrorisme, c’est encore à cette heure le mot d’une lutte dont on ne sait pas conjurer la menace. Socialisme ou démocratie, c’est le mot incompris de l’organisation et de la paix indéfiniment ajournées. Aussi longtemps que la bourgeoisie confondra le communisme et le