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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Et cela était vrai jusqu’à un certain point.

La révolution faite par le peuple était trop récente pour qu’on imaginât de nier qu’il dût en retirer les fruits. On avait vu le peuple grand, on s’exagérait sa force ; pour les révolutionnaires de 1830, la force et le droit c’était tout un. Il était donc admis, comme une vérité incontestable, qu’on devait quelque chose au peuple victorieux. Les uns par peur, le plus grand nombre par un sentiment d’équité mêlé de repentir, d’autres par politique, estimaient juste et croyaient nécessaire de tenir, en partie du moins, les promesses de février ; si l’on différait d’opinions, ce n’était encore que sur l’interprétation plus ou moins large qu’il convenait de donner à ces promesses. Qu’il y eût déjà, comme je l’ai indiqué, chez la plupart des membres des anciennes assemblées, une intention sourde de reprendre peu à peu avec le temps, dans la mesure où cela serait possible, les concessions arrachées par la nécessité, cela n’est guère douteux ; mais ces velléités de réaction étaient paralysées par la majorité républicaine, et vraisemblablement elles seraient demeurées impuissantes sans les fautes parlementaires de la Montagne, sans les extravagances des feuilles ultra-révolutionnaires, sans les outrages et les provocations des meneurs de la place publique.

Depuis l’ouverture de l’Assemblée, ces meneurs cherchaient un prétexte pour convoquer les masses populaires. Les échecs réitérés de l’émeute dans ses tentatives contre le gouvernement provisoire ne les avaient pas découragés. Pour les hommes de cette trempe, il semble y avoir, dans une certaine ivresse causée par la fermentation des esprits et par le tumulte des foules, un attrait de même nature et tout aussi irrésistible que l’ivresse des liqueurs fortes ; ceux qui sont possédés de cette soif maladive, s’irritent d’autant plus qu’ils la satisfont davantage. Ils avaient compté pour entraîner le peuple sur le rejet de la proposition de M. Louis Blanc ; mais, lorsqu’ils virent que la question du ministère du travail n’agitait qu’une faible partie des ou-