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HISTOIRE

De son côté, la fraction la plus avancée du gouvernement, M. Ledru-Rollin, M. Caussidière et même M. de Lamartine, se sentant menacée déjà par les anciens partis dynastiques, accusait l’Assemblée de mollesse et pensait parfois qu’il pourrait être utile de la ranimer un peu en lui rappelant, au moyen de quelque pression extérieure, c’est ainsi que par euphémisme on désignait alors l’émeute, la force populaire qu’elle mettait trop en oubli.

Enfin, le parti de la République qu’on appelait bourgeoise, MM. Marrast, Buchez et d’autres, ne trouvait nul danger et voyait quelques avantages à une manifestation inoffensive qui lui permettrait d’intervenir comme régulateur entre le socialisme, dont on écarterait les chefs compromettants, et les dynastiques, que l’on protégerait contre les prolétaires, mais en leur faisant bien sentir ce qu’ils en avaient encore à craindre.

Entre ces politiques incertaines, diverses, compliquées, et le peuple, qui voulait naïvement voler au secours de la Pologne, s’agitaient, allant de l’un à autre, une foule de ces brouillons turbulents, de ces personnages ambigus, entremetteurs de troubles civils, un pied dans la police, un pied dans l’émeute, que personne n’avoue, qui dupent tout le monde et semblent parfois étourdis par leur propre bruit au point de se duper eux-mêmes. Ce furent ceux-là qui prirent, dans la journée du 15 mai, le rôle actif et qui lui imprimèrent un caractère si douteux que tous les partis s’y sont crus joués et se renvoient encore aujourd’hui, avec quelque apparence de vérité, les accusations de provocation et de perfidie.

Le président du Comité centralisateur, l’ancien détenu politique Huber, fut l’organisateur principal de la manifestation. Malgré ses antécédents fort suspects[1], Huber,

  1. On se rappelle que Huber, condamné en 1836 à cinq ans de prison, obtint du roi une commutation de peine ; qu’il partit pour Londres à la fin d’août 1837, entra dans le complot de Steuble et de mademoiselle Grouvelle, fut soupçonné de les avoir trahis et, enfin, à peu