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HISTOIRE

pour recevoir la paye qui se fait à trois heures[1]. Blanqui, qui le premier a compris que rien de sérieux ne pouvait sortir de tout ce désordre, s’est glissé hors de la salle et s’est réfugié chez un ami. M. Louis Blanc, que nous avons vu poussé vers l’esplanade des Invalides par une foule serrée et violente[2], à laquelle il ne cesse de demander où est Barbès, et qui veut l’entraîner à l’Hôtel de Ville, est rejoint par son frère, qui parvient à grand’peine à le tirer de ce danger, en répétant à la masse populaire que tout est fini, que la journée est manquée, qu’aller maintenant à l’Hôtel de Ville ce serait se perdre. Un cabriolet venant à passer, M. Louis Blanc s’y jette, se fait mener dans le quartier de l’École-de-Médecine, voisin de l’Hôtel de Ville, où il attend des nouvelles de Barbès et d’Albert ; il revient ensuite chez lui, rue Taitbout, et comme on lui dit que l’Assemblée est rentrée en séance, il s’achemine vers le palais législatif pour y reprendre son siége.

La même chose à peu près était arrivée à M. Raspail. Nous l’avons laissé évanoui dans le jardin du palais. Lorsqu’il revint à lui, la salle des séances était déjà occupée par la troupe. Il sortit par la rue de Lille et se vit presque aussitôt entouré de personnes qui lui parurent suspectes. Un fiacre était là : il y monta après avoir fait dire à son club, qui n’était pas entré dans l’Assemblée et qui l’attendait en bon ordre sur le quai, qu’on eût à se séparer au plus vite.

Voyant que le fiacre, au lieu de le conduire à sa demeure, comme il l’avait dit, prenait la direction de l’Hôtel de Ville, et se défiant d’une personne inconnue qui était assise à côté du cocher, Raspail saute à bas de la voiture,

  1. Les personnes qui voient dans la manifestation du 15 mai un coup de filet de la police pour prendre MM. Barbès, Raspail, etc., insistent beaucoup sur cette circonstance, et disent qu’on avait choisi à dessein le jour de paye des ateliers nationaux, afin d’emmener les ouvriers si la manifestation prenait un caractère séditieux.
  2. Voir Pages d’histoire.