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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Société des droits de l’homme, où ils tirent au hasard des coups de fusil les uns sur les autres[1].

Cette exaspération se communique malheureusement à l’Assemblée. Le danger réel et présent l’a trouvée calme ; l’image du danger évanoui la met hors d’elle-même. Une frayeur vraie chez les uns, feinte chez les autres, se propage de rang en rang ; une panique rétrospective s’empare des imaginations. Et comme dans cette extravagante émeute tout reste obscur et équivoque, tout prête aux exagérations les plus déplorables. Le moment est propice pour les partis hostiles à la République ; ils le saisissent : comprenant qu’il en faut profiter sur l’heure, ils ouvrent l’attaque. Avant même que MM. de Lamartine et Ledru-Rollin soient revenus de l’Hôtel de Ville et qu’on puisse connaître avec exactitude l’état des choses, un membre de la droite, M. de Charancey, demande l’enquête ; M. Léon Faucher, plus impatient encore, veut qu’on mette en accusation M. Barbès et le général Courtais, qu’il déclare traîtres à la patrie. Ces propositions sont combattues par plusieurs représentants qui s’efforcent de ramener l’Assemblée à plus de calme. MM. Flocon, Ducoux, Huot, la conjurent de ne pas grandir démesurément l’importance de quelques hommes ; de ne pas donner surtout un caractère d’animosité à ses délibérations ; de ne pas s’emporter si vite aux mesures de rigueur et de reprendre l’ordre de ses travaux en attendant les communications du gouvernement. À ce moment, M. Buchez revient occuper le fauteuil. Il dit qu’en quittant l’Assemblée il est allé au palais du Luxembourg rejoindre la commission exécutive ; il fait connaître qu’elle a nommé le général Baraguay-d’Hilliers commandant supérieur des forces qui protégent la représentation nationale. Cette no-

  1. Le populaire n’était guère moins furieux contre les factieux que la garde nationale. Lorsque le 16, vers midi, les prisonniers partent pour Vincennes, ils entendent en traversant le faubourg Saint-Antoine les imprécations de la foule, hommes, femmes, enfants, qui, malgré l’extrême chaleur du jour, suit les voitures, l’injure à la bouche, jusqu’aux premières maisons de Vincennes.