Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
301
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

le 11 avril 1832, Louis-Napoléon Bonaparte fixa en Suisse son séjour définitif.

Pendant plusieurs années, il suivit, en qualité de volontaire, l’école d’application d’artillerie à Thun ; fut successivement nommé bourgeois de la commune de Salenstein, citoyen de Thurgovie, président de la Société fédérale des carabiniers thurgoviens, capitaine dans le régiment d’artillerie de Berne[1] et membre du grand conseil. En 1834, il publia, sous le titre de Manuel d’artillerie, une brochure qui fut assez estimée des hommes spéciaux, pour qu’on l’attribuât au général Dufour, et cela malgré les plus formelles dénégations du général qui niait absolument avoir eu la moindre part à cet opuscule.

Louis-Napoléon s’était fait bien voir en Suisse, surtout des classes inférieures. Ses libéralités, ses manières douces, l’hospitalité qu’exerçait à Arenenberg la duchesse de Saint-Leu, le soin extrême qu’elle prenait d’y attirer les hommes marquants dans tous les partis, disposaient en sa faveur l’opinion publique ; toutefois, on ne concevait pas du neveu de l’Empereur une opinion très-haute. Son précepteur, le républicain Lebas, depuis membre de l’institut, lui trouvait une intelligence médiocre ; les plus bienveillants, en lui donnant des louanges, vantaient surtout son application à l’étude, sa politesse, sa tenue et sa simplicité ; mais lui, dans son for intérieur, aspirait à une autre renommée. Tout enfant, il parlait avec une assurance surprenante de son étoile. Simple dans ses manières, modeste pour lui-même, il attachait à son nom un orgueil sans bornes. De-

  1. Dans une lettre écrite en allemand, adressée par le prince Louis à la date de Baden, 14 juillet 1834, à l’avoyer de Berne, pour le remercier de l’envoi de son brevet, nous lisons ce passage curieux : « Ma patrie, ou plutôt le gouvernement de ma patrie, me repousse parce que je suis le neveu d’un grand homme ; vous êtes plus juste. Je suis fier de pouvoir me compter parmi les défenseurs d’un État où la souveraineté du peuple est la base de la Constitution et où tout citoyen est prêt à sacrifier sa vie pour la liberté et l’indépendance de sa patrie. »