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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Paris, à peu près sans ressources, sans autre introduction dans la société officielle qu’une lettre pour un membre du conseil d’État, M. Baude. Ses prétentions paraissaient plus que modestes. Il sollicitait d’entrer, comme simple employé, dans l’administration des douanes. Mais, tout à coup, s’étant introduit dans un salon où il noua des rapports assez intimes avec des personnes influentes, il changea de langage, quitta son nom de famille, prit le nom de sa commune, se fit appeler de Persigny, et obtint, on ne sait trop comment, du ministre de la guerre, d’être envoyé en Allemagne, afin d’y étudier l’élève et l’amélioration de la race chevaline.

Ce fut à cette occasion qu’il traversa la Suisse et reçut de la reine Hortense une hospitalité qu’il reconnut amplement et de la manière qui devait lui être le plus agréable, en livrant à ses rêves maternels un aliment nouveau. M. de Persigny avait récemment parcouru la Lorraine et l’Alsace. Il raconta au prince Louis et à sa mère qu’il avait trouvé partout, dans les auberges, dans les casernes, dans les cabarets, l’image de l’Empereur. « Partout, disait-il, le souvenir de Napoléon est vivant dans l’imagination populaire. Le peuple attache au nom de Bonaparte des souvenirs mêlés de république et d’empire, de gloire et de patriotisme, tandis que les Bourbons de l’une et de l’autre branche signifient pour lui les désastres de 1814, les traités de 1815, la domination des prêtres et des nobles, le règne des avocats et des journalistes, une charte octroyée ou consentie, un parlement anglais, enfin, auquel il ne saurait rien comprendre. »

M. de Persigny ajoutait qu’après avoir beaucoup réfléchi sur cette popularité latente, mais incontestable et universelle du nom de Bonaparte, il en était arrivé à la conviction qu’en invoquant le principe de la souveraineté du peuple, le neveu, l’héritier de l’Empereur, serait assez puissant pour renverser la quasi-légitimité des princes de la famille d’Orléans.