Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
326
HISTOIRE

Cette lecture excite une désapprobation générale. Pendant le long discours de M. de Lamartine on est allé aux informations et l’on a eu des renseignements circonstanciés : on sait que rien n’est exact dans son récit ; qu’il n’y a pas eu trois coups de feu tirés, mais un seul ; que, au lieu des factions prises la main dans le sang français, il s’agit d’un garde national maladroit qui s’est blessé lui-même.

Forcé par la rumeur générale de venir s’expliquer, M. de Lamartine se déconcerte ; il ne se borne pas à parler de ce qui fait en ce moment le sujet de toutes les préoccupations, il revient encore en arrière ; il évoque les souvenirs fâcheux du 15 mai ; il croit devoir entrer dans mille détails pour se défendre de toute participation à cette malheureuse journée ; il dit enfin ce mot resté fameux : « J’ai conspiré avec Blanqui, Sobrier, Cabet, Barbès, Raspail ! oui, j’ai conspiré, mais comme le paratonnerre conspire avec le nuage qui porte la foudre. »

Les rires et les murmures accueillent cette métaphore. M. de Lamartine rencontre à son tour dans l’Assemblée les préventions que M. Louis Blanc y soulevait naguère. La majorité et la minorité se trouvent d’accord contre lui. La droite, dans sa politique mesquine et vindicative, préfère le prétendant Louis Bonaparte au citoyen Lamartine ; les représentants de la Montagne partagent ce sentiment. Le parti du général Cavaignac, qui commence à se dessiner, veut avant tout, advienne que pourra, se débarrasser de la commission exécutive.

Dans cette disposition universelle, l’Assemblée montre encore cependant quelque respect humain, en accordant à la commission un vote de confiance. Elle vote les cent mille francs par mois qui lui sont demandés pour les dépenses de bureaux et pour les fonds secrets. Mais on sent que c’est là une dernière concession arrachée à une sorte de commisération, et qui ne donne plus au gouvernement aucune force. Cette séance est d’un effet déplorable pour la commission exécutive ; elle la place dans un état d’isolement