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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

qu’elle ne pouvait s’en faire une arme contre la République ; elle en venait à examiner le parti qu’elle pourrait tirer du nom de Bonaparte.

« Citoyens représentants, disait Louis-Napoléon dans la lettre que vient lire M. Bonjean, j’apprends, par les journaux du 22, qu’on a proposé dans les bureaux de l’Assemblée de maintenir contre moi seul la loi d’exil qui frappe ma famille depuis 1816. Je viens demander aux représentants du peuple pourquoi je mériterais une semblable peine. Serait-ce pour avoir toujours publiquement déclaré que, dans mes opinions, la France n’était l’apanage ni d’un homme, ni d’une famille, ni d’un parti ? Serait-ce parce que, désirant faire triompher sans anarchie ni licence le principe de la souveraineté nationale, qui seul pouvait mettre un terme à nos dissensions, j’ai deux fois été victime de mon hostilité contre le gouvernement que vous avez renversé ? Serait-ce pour avoir consenti, par déférence pour le gouvernement provisoire, à retourner à l’étranger, après être accouru à Paris au premier bruit de la révolution ? Serait-ce pour avoir refusé par désintéressement les candidatures à l’Assemblée qui m’étaient proposées, résolu de ne retourner en France que lorsque la nouvelle constitution serait établie et la République affermie ? Les mêmes raisons qui m’ont fait prendre les armes contre le gouvernement de Louis-Philippe, me porteraient, si on réclamait mes services, à me dévouer à la défense de l’Assemblée, résultat du suffrage universel. En présence d’un roi élu par deux cents députés, je pouvais me rappeler que j’étais l’héritier d’un empire fondé par l’assentiment de quatre millions de Français. En présence de la souveraineté nationale, je ne peux et ne veux revendiquer que mes droits de citoyen français ; mais ceux-là je les réclamerai sans cesse, avec l’énergie que donne à mon cœur honnête le sentiment de n’avoir jamais démérité de la patrie.

« Votre concitoyen,
« Louis-Napoléon Bonaparte. »