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HISTOIRE

l’accent avec lequel elles sont prononcées ; chacun cherche à en pénétrer le sens caché. Mais tout à coup les regards se portent vers la tribune ; M. de Falloux vient d’y monter ; il attend que le silence soit rétabli. Sa physionomie est plus composée encore que d’habitude ; il tient un papier à la main ; c’est le rapport de la commission des ateliers nationaux. Un représentant, M. Raynal, se lève de son banc avec vivacité ; il s’oppose à une lecture inopportune, dit-il, et dangereuse dans un pareil moment. « Lisez ! lisez ! » crie la droite à M. de Falloux.

Alors, M. de Falloux, sans émotion, sans trouble, et comme si l’on était en pleine paix dans Paris, en pleine sécurité dans l’Assemblée, commence la lecture du rapport. Il déclare que la seule voie de salut, dans la crise industrielle, commerciale et agricole qui inquiète le pays, c’est la dissolution, immédiatement opérée par le pouvoir exécutif, des ateliers nationaux. Et, de peur qu’on ne le comprenne pas suffisamment, il insiste, il répète sa pensée en en changeant l’expression. Il demande la dispersion radicale de ce foyer actif d’agitation stérile ; puis il propose un décret qui, sous trois jours, dissout les ateliers nationaux.

À peine M. de Falloux a-t-il achevé la lecture de ce rapport, que M. Corbon le remplace à la tribune et annonce à l’Assemblée, au nom du comité des travailleurs, un projet de décret sur la même question. C’est une sorte de protestation contre le rapport de M. de Falloux. M. Corbon dit que les ateliers doivent être modifiés, mais qu’il ne faut pas procéder à leur dissolution sans donner aux travailleurs les garanties qu’ils exigent. De violents murmures l’interrompent. « Qu’ils demandent, » dit-il en se reprenant. Puis, malgré la défaveur avec laquelle M. Corbon se voit écouté, il continue et donne lecture d’un projet de décret ainsi conçu :

« Art. 1er. Les associations de travail entre ouvriers sont protégées et encouragées par la République. Les condi-