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HISTOIRE

blée ; mais, depuis l’arrivée de M. Thiers, tout avait changé de face.

Un moment déconcerté par la révolution de février, M. Thiers avait repris très-vite cette parfaite confiance en lui-même, cette liberté d’esprit et d’allures qui faisaient la plus grande partie de sa force. Il ne lui fallait pas, du reste, beaucoup d’efforts pour s’accommoder d’une République qui ne blessait chez lui ni des principes ni des sentiments bien profonds. Les origines, l’éducation, les travaux, l’ambition, toute la fortune de M. Thiers l’attachaient à la révolution. Il n’était pas dans la nature de son esprit de chicaner beaucoup avec elle et de lui demander un compte trop rigoureux de ses emportements. Comme historien, il l’avait expliquée et approuvée jusqu’à Danton ; comme homme d’État, il avait combattu en son nom la politique conservatrice. La crise qui renversait cette politique en la personne de son rival donnait, jusqu’à un certain point, raison à la sienne. Quelque chose lui disait, d’ailleurs, que, à moins de circonstances inattendues, il ne pouvait manquer sous un gouvernement libre de reprendre tôt ou tard une grande influence. Patriote sincère, il n’était pas insensible à la pensée que la politique révolutionnaire allait relever en Europe le rôle de la France. Orateur et écrivain, qu’avait-il personnellement à perdre dans l’établissement d’une République parlementaire ? L’institution de la présidence ne devait pas non plus déplaire beaucoup à l’un des hommes que sa fortune, son talent, sa célébrité conviaient si naturellement à y prétendre.

Aussi M. Thiers ne s’était-il pas oublié en de longs regrets. En se présentant aux électeurs pour l’Assemblée constituante, il avait annoncé l’intention de ne pas rester étranger aux destinées nouvelles de son pays. Attentif à tout et voyant qu’une première fois il avait échoué parce que le clergé lui demeurait hostile, il avait cette fois rendu hommage à la prépondérance des influences cléricales et n’avait épargné de ce côté ni avances ni promesses. Le