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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

classes moyennes. Ils ne voyaient pas que cette combinaison se faisait, depuis les journées de juin, en faveur du général Cavaignac, qui personnifiait depuis lors l’état républicain tel que le concevait la bourgeoisie. Oubliant l’héroïsme et le dévouement du grand citoyen qui, pendant trois mois entiers, avait chaque jour exposé sa vie pour la défendre contre la révolution débordée, la bourgeoisie, depuis qu’elle se sentait un autre appui, se tournait ingrate et aveugle contre M. de Lamartine et repoussait par l’insulte et la calomnie une candidature que, six mois auparavant, elle n’aurait pas laissé discuter.

Quant à la candidature de M. Ledru-Rollin, les sentiments de la bourgeoisie étaient trop manifestes pour laisser subsister le moindre doute. Mais une propagande active avait répandu son nom dans les campagnes et les meneurs du parti révolutionnaire se flattaient qu’au moyen de l’alliance avec les socialistes, à laquelle on travaillait depuis quelque temps, on obtiendrait un chiffre de voix assez élevé, sinon pour balancer l’élection, du moins pour constater dans le pays une forte opposition aux tendances contre-révolutionnaires de la bourgeoisie. Afin de consolider cette alliance du radicalisme et du socialisme, et surtout pour la rendre apparente, on imagina d’imiter la fameuse campagne des banquets en 1847. On fit un grand bruit de toasts, un grand déploiement de drapeaux et d’emblèmes. M. Ledru-Rollin, qui avait pris avec les socialistes l’engagement, s’il était élu, d’abolir la présidence et de proclamer le droit au travail, s’assit au banquet du Chalet (25 septembre) à côté de la place vide de M. Barbès et porta un toast contre l’infâme capital. Mais ces démonstrations aussi vaines qu’imprudentes, en réveillant dans le pays des inquiétudes qui commençaient à s’assoupir et en signalant de nouveau à l’attention publique les prétentions outrées du parti révolutionnaire, n’eurent pas même pour effet l’alliance souhaitée par ceux qui les avaient organisées. Les socialistes, un moment ébranlés, revinrent à la candida-