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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

qui en gardaient les portes, firent une décharge qui d’abord força le peuple à s’éloigner ; mais il revint bientôt avec la garde civique, la légion romaine, la troupe de ligne et la gendarmerie qui s’étaient jointes au mouvement, et recommença la fusillade contre le palais. Le pape, convaincu enfin qu’il n’avait plus le pouvoir de lutter contre le vœu général, feignit de s’y rendre ; il promit le retour de Mamiani, le renvoi des Suisses. Pour tout le reste, il s’en remettait, disait-il, à la décision des Chambres. Ayant réussi de la sorte à tromper encore une fois l’opinion, Pie IX échappe à la surveillance de ceux qui le gardaient, et, quittant furtivement son palais et ses États dans la voiture du comte de Spaur, ministre de Bavière, qui faisait les fonctions d’ambassadeur d’Autriche à Rome, il se réfugie à Gaëte.

Depuis longtemps déjà notre ambassadeur, le duc d’Harcourt, et, dans ces derniers jours, M. de Corcelle, envoyé par le général Cavaignac en mission extraordinaire à Rome, pressaient le pape, qui ne se regardait plus comme libre, d’accepter un asile en France. Pie IX semblait disposé à prendre ce parti et témoignait au général Cavaignac, dans les termes les plus affectueux, sa reconnaissance et son estime. Le saint-père n’élevait à sa venue en France qu’une seule objection sérieuse, fondée sur le peu de temps que le chef actuel du pouvoir exécutif avait encore à diriger les affaires. Si l’élection ne répondait pas aux vœux du pape, disait-on au Quirinal, si le prince Louis-Napoléon devenait président de la République, le saint-père, qui considérait la famille Bonaparte comme son ennemie, ne pourrait avec honneur accepter la protection du chef de cette famille.

Néanmoins, en ces derniers temps, les scrupules du pape semblaient dissipés ; en partant pour Gaëte, Sa Sainteté laissa croire au duc d’Harcourt qu’elle y attendrait un bâtiment français, afin de s’embarquer pour Marseille. En conséquence, l’ordre fut expédié au consul de Cività-Vecchia de faire chauffer le bateau le Ténare, pour aller chercher immédiatement le pape à Gaëte. Le général Cavaignac dé-