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HISTOIRE

mis personnels comme il avait écrasé les ennemis de l’Assemblée.

La séance se prolongea jusqu’à onze heures du soir sans que personne s’en aperçût, tant l’intérêt en était profond. Tout était grave dans la disposition des esprits. On se rappelait les transports de reconnaissance avec lesquels, au sortir d’un péril immense, on avait salué le sauveur de Paris ; on ne regardait pas sans une sorte d’attendrissement ce noble visage pâli par l’indignation, ces traits où la fatigue, la tristesse, l’amertume et le découragement des luttes politiques avaient prématurément marqué leur empreinte.

Quand le vieux Dupont (de l’Eure) parut à la tribune et proposa à l’Assemblée de consacrer une seconde fois, par un vote solennel, sa reconnaissance pour le vainqueur de juin, un applaudissement passionné lui répondit. Les misères de l’esprit de parti se turent un moment encore devant l’évidence et la justice. Cinq cent trois représentants contre trente-quatre[1] votèrent l’ordre du jour formulé de la manière qui suit par Dupont (de l’Eure) :

« L’Assemblée nationale, persévérant dans le décret du 28 juin, ainsi conçu : « Le général Cavaignac, chef du pouvoir exécutif, a bien mérité de la patrie, » passe à l’ordre du jour. »

Mais ce vote mémorable, ce triomphe éclatant, dont l’effet sur Paris fut sensible et put faire croire au gouvernement qu’il allait changer le courant de l’opinion et le résultat de l’élection générale, ne produisit presque aucune impression sur la province et ne modifia en rien l’état des

  1. Parmi ces trente-quatre opposants, on remarque ;

    Le général Baraguay-d’Hilliers.
    Théodore Bac.
    Victor Hugo.
    Lucien Murat.
    Pierre Leroux.
    Proudhon.
    Eugène Raspail.