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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

foule d’émissaires se répandirent dans les ateliers de Paris et de la banlieue. Le gouvernement provisoire, disaient-ils, attaqué par les royalistes, avait courageusement résisté ; il fallait aller l’en féliciter, lui promettre de nouveau le concours du peuple, et remercier en particulier M. Ledru-Rollin de son dévouement à la nation.

La proclamation suivante, affichée dans la matinée du 17 sur tous les murs de Paris et saisie, par ordre de M. Émile Thomas, dans les ateliers nationaux, où elle avait causé une grande émotion, fait voir avec quelles précautions infinies ceux d’entre les chefs de clubs qui complotaient le renversement du gouvernement provisoire dissimulaient, en parlant au peuple, des projets que sa loyauté eût repoussés avec indignation


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
liberté, égalité, fraternité.

« Le peuple a été héroïque pendant le combat, généreux après la victoire, magnanime assez pour ne pas punir…

« Il est calme, parce qu’il est fort et juste.

« Que les mauvaises passions, que les intérêts blessés se gardent de le provoquer !

« Le peuple est appelé aujourd’hui à donner la haute direction morale et sociale.

« Il est de son devoir de rappeler fraternellement à l’ordre ces hommes égarés qui tenteraient encore de se maintenir en corps privilégiés dans le sein de notre cité.

« Il voit d’un œil sévère ces manifestations contre celui des ministres qui a donné tant de gages à la révolution. »


Cette proclamation très-habile exprimait exactement les dispositions naïves de la masse populaire. La plus grande partie des ouvriers ne connaissaient encore que très-vaguement la division qui régnait entre la majorité et la minorité du conseil. Ils vénéraient par tradition les noms d’Arago et de Dupont (de l’Eure) ; ils ne s’occupaient ni de M. Marrast,