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HISTOIRE

avec la majorité du gouvernement provisoire, de repousser une intimidation dont il avait eu cependant la première pensée, s’il ne voulait pas se livrer, se subordonner à un chef de factieux dont les desseins lui étaient inconnus et les intentions suspectes. Sa délibération intérieure ne fut pas longue. S’avançant vers le groupe des délégués : « Citoyens ! dit-il, d’une voix à laquelle le sentiment du péril et de l’outrage donnait une autorité singulière, le gouvernement de la République est fondé sur l’opinion ; il ne l’oubliera jamais. Notre force, nous le savons, est dans la force du peuple ; notre volonté doit toujours être en harmonie avec la sienne ; nous vous remercions des paroles pleines de sympathie et de dévouement que vous nous adressez. Le gouvernement provisoire les mérite par son courage, par son ferme vouloir de faire le bien du peuple, avec le concours du peuple et en s’appuyant sur lui. Les pensées d’ordre que vous avez manifestées sont la consécration de la liberté en France. Il faut que la force du peuple se montre sous l’apparence du calme ; le calme est la majesté de la force. Vous nous avez exprimé des vœux qui feront l’objet de nos délibérations. Vous-mêmes, citoyens, vous ne voudriez pas que le gouvernement qui est appelé à vous représenter cédât à une menace. Nous vous remercions de ce que vous êtes venus à nous pleins de confiance dans notre patriotisme, pleins de confiance dans le désir qui est au fond de nos cœurs, de faire avec, vous, dans votre intérêt, sans vous oublier jamais, le salut de la République. Nous vous remercions, comme hommes, de nous avoir mis en état de le faire avec indépendance. Maintenant, citoyens, laissez-nous délibérer sur ces vœux ; laissez-nous délibérer, pour qu’il soit bien entendu que le gouvernement provisoire de la République ne délibère pas sous l’empire d’une menace. À ceux qui ne représentaient que les priviléges, il était permis d’avoir peur : cela ne nous est pas permis, à nous, parce que nous sommes vos représentants, et qu’en gardant notre dignité, nous gardons la vôtre. »