— Ma nation ! jamais ! s’écria Maurin.
— Je me permets encore de vous faire remarquer, dit l’instituteur, que ce motif soulignerait la faiblesse du gouvernement, sans l’excuser. Il doit y avoir autre chose… C’est un chagrin bien grand pour moi, qui ai consacré ma vie à tenter d’apprendre aux enfants la bonté, la justice, la bienveillance envers les animaux, de voir se dresser partout ces cirques féroces. Regardez ! Cela rappelle les temps les plus barbares. La France républicaine n’est-elle qu’une France décadente, monsieur le sénateur ? et qui donc en est responsable ?
— Bravo ! s’exclama Maurin, le mousquetaire à cheval.
— Qui est responsable ? eh bien, je vais vous le dire ! répliqua le sénateur impatienté. Je vais vous le dire, puisque vous me pressez ; je ne veux pas que le brave homme que vous êtes puisse m’accuser d’être indifférent au vilain mal qui vous indigne… Le coupable, c’est le suffrage universel.
— Ah ! par exemple ! s’indigna Maurin qui crut la République en danger.
Mais le sénateur continuait à parler. Maurin et Pastouré, attentifs et imposants sur leurs chevaux immobiles, écoutèrent.
— Le suffrage universel, dit M. Besagne, c’est comme la langue selon Esope : ce qu’il y a de meilleur et ce qu’il y a de pire… Suivez-moi attentivement : la plaie de notre pays, c’est l’alcoolisme ; dans certaines villes il y a un si grand nombre de débits de liqueurs qu’il s’en trouve, d’après les statistiques, un pour sept habitants, en comptant les femmes et les vieillards !