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L’ILLUSTRE MAURIN

revint sur l’homme, Mouredu Tortillados se campa dans une attitude de défi.

Le taureau, à trois pas de lui, s’arrêta, tête baissée…

Le public frémissait d’aise parce qu’il croyait l’homme et la bête en péril de mort.

Prise à part, chacune des créatures qui composait cette vaste assemblée avait l’horreur du sang et des cruautés ; et cette assemblée tout entière se sentait, avec joie, devenir cruelle et sanguinaire.

Bien à l’abri derrière les palissades, tous les spectateurs attendaient avec impatience la mort ou la mise hors de combat du toréador ou du taureau. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient envie de mourir, ni même de souffrir, et ils gardaient chacun sa position.

Ils restaient là, immobiles tous deux, tableau vivant…

Cela dura plus d’une minute.

Un coup de sifflet, blâme non équivoque, se fit entendre ; aucun des deux adversaires ne remua.

— Ah ! mais il m’embête, à la fin, cet Espagnol ! cria tout haut et tout à coup Maurin.

— Quel est cet idiot ? fit à son voisin, en lui désignant Maurin, un des gandins qui suçaient obstinément la pomme d’or de leurs cannes.

Maurin le regarda de travers et, feignant de croire qu’on parlait du toréador :

— Cet idiot, monsieur, dit-il poliment, est un Espagnol de votre espèce, pas plus Espagnol que vous, et à qui un bravadeur de Saint-Tropez, avec ou sans permission, va montrer comment nos ancêtres ont traité les véritables Espagnols, il y a des siècles.

Cela dit, Maurin quitta sa place, sauta de gradin en gradin, mit le pied sur la palissade qui séparait de l’arène