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Page:Aicard - L’Illustre Maurin, 1908.djvu/457

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L’ILLUSTRE MAURIN

des merlates ! et au moment des derniers badàous (bâillements d’agonie), je le répéterai encore : « C’étaient des merlates ! des merlates ! »

« — Ces merlates-là, dit Sanplan, que Dieu alors en préserve les merles, car c’est plus affaire aux merles qu’à moi !

« — Cependant, riposta la Charpinois hors d’elle, cependant tu n’es toi-même qu’un sot merle ! un vilain merle ! »

« Sur cette dernière parole, Sanplan toujours tranquille, sortit de la cuisine, ferma la porte et monta se coucher.

« Demeurée seule, la Charpinois continua de tricoter, tirant à elle, par petits coups, son fil de coton…

« Quand la Charpinois tricotait, elle laissait courir son peloton à terre, de-ci, de-là, — car elle n’avait ni chat ni chatte, ne pouvant pas souffrir les bêtes, qui le lui rendaient bien.

« Maintenant elle continuait à jargouiner toute seule :

« — Devant le bourreau, je le dirais ! Le bourreau ne me ferait pas dire autre chose : c’étaient des merlates ! Au jour du dernier jugement, je le dirai encore au bon Dieu, en personne : c’étaient des merlates !… Il est en train de se coucher, ce grand lâche ! Il a peur de la vérité !… mais quand je vivrais cent ans, il ne m’entendra plus dire autre chose : c’étaient des merlates ! et même de grosses merlates !  »

« Et malgré son pégin (humeur maligne), c’était bien doucement qu’elle tirait de temps à autre son mince fil de coton, précautionneuse à ne pas le rompre, car les vrais charpinois ne perdent jamais la tête, même au plus fort de leur charpin.