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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/156

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MAURIN DES MAURES

pendant que j’étais en train de brouter l’herbe dure, crac ! voilà que, tout à coup, je suis redevenu moine ! et la corde de mon licol est redevenue ma ceinture !

— Hélas ! dit Mangeosèbe en se grattant la tête, je crois, décidément, que je perds au change !…

— Ça doit être pour vos péchés, mon pauvre homme ! répliqua Pancrace

— Je le prends ainsi, dit Mangeosèbe, — et que la volonté de Dieu s’accomplisse ! Allons, puisqu’il n’y a rien à faire, quittons-nous bons amis… Et surtout ne péchez plus, frère moine…

— Tenez compte de votre conseil pour vous-même, lui cria Pancrace qui s’éloigna en riant tout seul.

« Le paysan rentra au village et le moine au couvent. Alors Pancrace et Panuce, s’étant consultés dans le secret de leur cellule, jugèrent qu’il ne fallait point rendre l’âne, à seule fin de ne pas faire naître dans l’esprit simple du paysan ou le doute ou la colère, qui tous deux également plaisent au diable.

Et il fut convenu qu’on vendrait l’âne à la foire…

« Ce fut, bien entendu, Panuce qui s’y rendit seul. Puisqu’il était convenu que Pancrace et l’âne n’étaient à eux deux qu’une seule et même personne, il ne convenait pas de les montrer ensemble.

I, l’aï ! hue, già, l’aï !  »

« Or, de son côté, pour acheter un autre âne dont il ne se pouvait passer, Mangeosèbe était allé à la foire.

« Et, de très loin, il reconnut son âne et courut vers lui, ébahi… puis, après réflexion, lui donnant sur le museau une petite tape, une caresse tendre, toute pleine d’indulgence :

« — Ze comprends, lui dit-il, pechère !… Oouras maï