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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/161

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MAURIN DES MAURES

et là par l’ombre courte de quelques pins. L’Ogre faisait semblant de dormir. Il était en embuscade. Il en voulait à un certain bûcheron nommé Toucas, qui, échappé à une de ses tentatives de chantage, avait menacé de le dénoncer.

Le colosse était effrayant avec sa face inégalement noircie, ses dents éclatantes, ses yeux, qui, entr’ouverts par moments, ne paraissaient que blancs et rouges. Autour de lui un silence lourd ou plutôt un bruissement égal et continu : le bourdonnement de la lumière d’été.

Dans ce calme uniforme, le moindre craquement au fond des vallées de roches, sèches et sonores, est entendu facilement. Depuis un moment, Grondard prêtait l’oreille. Il entr’ouvrit tout à coup ses méchants yeux, et en même temps il cria :

— Où vas-tu, petite ?

Il se leva et bondit vers l’étroit chemin.

Au cri de la Besti, une jolie petite paysanne, une enfant de douze à treize ans, s’arrêta, épouvantée, et laissa tomber de saisissement la marmite dans laquelle elle portait à son père Toucas, qui travaillait assez loin de là, le repas de midi.

Puis l’enfant se tourna du côté par où elle était venue et se prit à fuir avec un grand cri.

En deux enjambées, comme s’il avait eu des bottes de sept lieues, l’immonde colosse noir, véritable démon, fut sur les talons de la pauvrette.

— Maman ! cria-t-elle.

Elle croyait sentir déjà s’abattre sur sa mignonne épaule la main énorme et pesante.

— Maman ! répéta-t-elle.