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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/217

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MAURIN DES MAURES

chez son père prendre un verre d’eau-de-vie, en remerciement. Et voilà que tu arrives…

« Eh bien ! si tu m’arrêtes, c’est donc qu’elle m’aurait pour ainsi dire fait venir, comme en trahison, dans un piège ?…

« Ça n’est pas possible… Son père, qui est là et qui ne dit rien, n’en pense pas moins comme moi, je suis sûr… N’est-ce-pas, Antonio Orsini ? N’est-ce pas que tu trouves mauvais qu’on m’arrête dans ta maison même, après que j’y ai amené en sûreté ta propre fille ?… Et en récompense, qui m’arrêterait ? Ton futur gendre !… Il y aurait là de quoi, Antonio, déshonorer ta race pour la vie, et cinquante ans de vendetta n’effaceraient pas cette abomination !

Antonio, mis au pied du mur, se sentit perplexe. Pourtant il n’aimait pas beaucoup Maurin.

— Répondez, mon père ! dit Antonia.

— Ce que moi je peux dire, dit enfin le forestier, n’y changera rien… Je voudrais sauver Maurin… aujourd’hui… mais Alessandri est le seul maître de la chose. Il doit savoir ce qu’il a à faire.

— Crois-moi, tu dois me laisser partir pour aujourd’hui, Alessandri, reprit avec fermeté Maurin. Tu m’attraperas dans les bois, quand j’aurai tous mes moyens de fuir. Ce sera plus digne de toi comme de moi-même. Un vrai chasseur, vois-tu, ne tire pas au posé…

« Et rappelle-toi, ajouta Maurin, solennel à la fois et gouailleur, rappelle-toi qu’en emprisonnant ton grand Napoléon qui était venu librement à elle, l’Angleterre s’est déshonorée pour les siècles des siècles ! »

Alessandri secoua la tête.