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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/26

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MAURIN DES MAURES

vous, mais seulement pour plaire à la demoiselle… Et vous vous taisez, je dis, comme des Grenouilles ! — Il enflait le mot. — Voilà ce que j’ai dit. Et la gendarmerie ne peut pas y changer une parole. Ça, elle ne peut pas le faire, la gendarmerie !…

La gendarmerie ne peut pas non plus verbaliser contre une phrase inoffensive, après tout, comme celle que Maurin avait prononcée.

Le gendarme, vexé, se tut. La Corsoise, sympathique à Maurin, souriait.

Les Corses, race héroïque, sont ou gendarmes ou bandits. Le père de la Corsoise était fils d’un célèbre bandit corse.

Élevé dans le maquis jusqu’à l’âge de vingt ans, il était devenu un excellent soldat. Maintenant il était garde forestier et sa fille avait dix-huit ans. Elle eût épousé sans répugnance un gendarme, mais elle n’y avait jamais songé. Au choix, elle eût préféré un bandit, et elle n’y songeait pas.

Elle regarda Maurin. Maurin en éprouva une joie physique bien connue de lui.

C’était un peu ce qu’il ressentait parfois au sommet d’une montagne, à l’aube, lorsque la vie lui revenait nouvelle, aux lèvres et dans le sang, après un bon somme, et que le souffle de la mer, chargé des parfums de la montagne, pénétrant jusqu’à la chair par le col ouvert de sa chemise courait dans tout lui, et le faisait frissonner d’aise.

Le regard de la Corsoise l’émut plus que jamais ne l’émut un regard de femme. Le descendant des pirates maures rapteurs de filles tressaillit sous le regard de cet œil très noir, très grand, enflammé, où il reconnut