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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/288

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MAURIN DES MAURES

— Alors garde aussi ma pipe, en souvenir ; j’en ai trois autres dans le carnier.

C’était une pipe dont le tuyau était un roseau très fin et le fourneau un bout de racine de bruyère creusée au couteau.

— Bien entendu, celle-là, je l’ai faite moi-même, dit Maurin… mais Pastouré est plus drôle que moi pour les pipes. Il leur sculpte très bien des caricatures de singes ou des grimaces de députés.

Ils fumèrent longtemps, silencieux.

Césariot s’habituait déjà à l’idée d’avoir pour père ce fameux chasseur, dont on parlait très loin à la ronde et que tout le monde vantait.

Capoulade entra, ne les entendant plus jaser.

— Et alors, dit-il, veux-tu prendre un coup d’aïguarden, hé, Maurin ?

— Ça n’est pas de refus, Capoulade. L’aïguarden est une chose bonne, quand on n’en abuse pas.

Une heure après Maurin remettait son fils au patron Arnaud.

— Je lui ai donné un père, dit-il simplement, un bon, vu que c’est moi. Et s’il se dérange encore, écrivez-moi. Voici mon adresse :

« Monsieur Rinal, médecin de la marine en retraite, à Bormes (Var), pour remettre à Maurin des Maures.

Quand il repassa tout seul sous le pin Berthaud, Maurin leva le nez, cherchant à apercevoir parmi les pignes le couteau de son fils. Il le vit, grimpa dans l’arbre, non sans peine, et comme il était là-haut, au milieu des branches, des paysans qui traversaient la route lui crièrent :

— Eh, là-haut ! que fais-tu, l’homme ?