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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/365

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MAURIN DES MAURES

ensemble. Songe qu’il me tuerait s’il pouvait deviner ! Si tu ne me rencontres plus, c’est que je tiens parole. Quand tu m’auras promis fidélité d’abord et ensuite mariage, alors, de nouveau, je serai tienne. Je ne suis pas une de tes filles perdues. Va-t’en.

Tout en parlant, elle l’éloignait de la maison, pour le mettre hors de la vue de son père.

Il l’écoutait, le cœur navré à la fois et content.

— Tonia, dit-il, tu es méchante pour moi. Tu m’as bien voulu un jour. Pourquoi maintenant dire non ? Toutes les paroles du monde ne peuvent rien changer à ce qui a été.

— J’ai réfléchi, et cela change beaucoup. Si tu me veux encore, gagne-moi, mérite-moi ! La manière, tu la connais. Pense que si, la fois première, j’ai bien voulu, c’est que je t’aime. Mais que je t’aime, est-ce une raison pour que je veuille être méprisée de toi ?

— Moi, mépriser une fille, s’écria-t-il, parce qu’elle est amoureuse ? Oh ! dit Maurin, je mépriserais la nature, alors. Ou si c’était parce qu’elle est amoureuse de moi ; c’est moi, alors, que je mépriserais !

— Ce que tu veux dire par ce mot de « mépriser » je ne le sais pas, dit-elle. Mais je sais bien qu’un homme comme toi, lorsqu’il peut retrouver une fille aussi souvent qu’il le veut, fait d’elle ensuite comme d’une orange pressée qu’on jette quand on en a bu le meilleur. N’appelle pas ça mépris. C’est, pas moins, l’abandon. Adieu. Tu sais mon dernier mot et que je suis Corsoise. Apporte-moi deux paroles quand tu reviendras, à moins que tu ne préfères me les dire tout de suite : fidélité et mariage.

— Embrasse-moi, dit Maurin.