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Page:Aicard - Maurin des Maures, 1908.djvu/64

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MAURIN DES MAURES

« Il y a cinq ans, un Lyonnais, mon ami Larroi, s’y vint établir. Il voulut, sur le flanc d’une colline, dans un admirable site, faire construire une villa. Les travaux commencèrent lentement ! La bâtisse était cependant assez avancée, lorsqu’un jour les sept ou huit maçons qui la construisaient, juchés sur leurs échafaudages, levèrent tous ensemble le nez vers le ciel avec inquiétude.

« Que se passait-il ? L’un d’eux, un nommé Darboux, galegeaïré fameux (encore un !) fumait une grosse bouffarde d’où s’échappaient des flots de fumée.

« Il avait trouvé drôle de s’écrier tout à coup, en montrant du doigt un véritable nuage sorti de sa pipe :

« — Vé ! vé ! regardez un peu ! Voyez ce nuage ! tout à l’heure il pleut ! gare ! »

« Ce cri terrifiant produisit l’effet habituel. Bien que le ciel fût d’une pureté parfaite, tous les maçons, ce jour-là, désertèrent le chantier. Mais la pluie, qui empêche de travailler, n’empêche pas qu’on s’amuse, et ils allèrent achever leur journée au jeu de boules.

« — Ah ! le mauvais coup ! non, non ! ah ! sans la pierre, ma boule allait droit !

« — Celle-ci va téter le cochonnet (s’arrêter tout contre le but).

« — Fameux coup, celui-là !

« — Ah çà ! vaï ! un coup de sant Estropi ! (un coup de saint Maladroit !) »

« Que voulez-vous, conclut Cabissol, ces mœurs-là m’enchantent, moi… Se mettre en grève pour jouer aux boules ! Ah ! ce n’est pas un pays de misère que le nôtre ! Vous voyez donc pourquoi et comment on aime